Lundi 23 mars : le plateau d’Emparis.
Cette semaine, je vais vous parler des Alpes et, chauvinisme oblige, on va commencer par le plus beau coin : l’Oisans 😉
Perché à 2400 mètres d’altitude et surplombant de plus de 1000 mètres l’étroite vallée de la haute Romanche, le plateau d’Emparis est une destination incontournable pour qui aime la randonnée. Ce plateau, parsemé de lacs, présente un relief modeste et offre un panorama sublime sur le versant nord du massif des écrins avec notamment la reine des lieux en toile de fond : la Meije (3984 mètres d’altitude).
Mais pourquoi un tel plateau au milieu d’un relief aussi escarpé ? Et bien une fois de plus, la réponse se trouve dans l’histoire ancienne de la Terre. Si vous vous souvenez de la publication du 19 mars, nous avons vu qu’il y a environ 350 millions d’années, les différentes masses continentales se sont réunies pour former un unique « supercontinent » : la Pangée. La réunion de ces différents continents a entrainé la formation d’une énorme chaîne de montagnes : la chaîne Hercynienne ou Varisque. En profondeur, sous cette chaîne de montagnes, les roches ont subi une augmentation de la pression et de la température qui a entrainé une réorganisation minéralogique que l’on appelle le métamorphisme. Ce sont ces roches (des Gneiss) qui aujourd’hui forment le plateau d’Emparis.
Mais ces roches se sont formées dans les parties profondes d’une chaîne de montagnes, il a donc fallu les ramener à la surface ! Et ça, c’est l’érosion qui s’en est chargée. En effet, durant une période que nous appelons le Permien (entre -300 et -250 millions d’années) la chaîne Hercynienne a été entièrement érodée. Au fur et à mesure que les roches situées à la surface sont érodées, les roches situées en dessous remontent jusqu’à se retrouver à la surface. Tant qu’un relief est présent à la surface, le processus se poursuit et celui-ci ne s’arrête que lorsqu’il n’y a plus aucun relief : le paysage correspond alors à ce que les géologues appellent une pénéplaine.
D’un point de vue géologique, le plateau d’Emparis et ses modestes reliefs correspondent à cette ancienne pénéplaine : les roches qui le constituent ont été formées en profondeur sous la chaîne Hercynienne, l’érosion de cette chaîne de montagnes les a ramenés à la surface et l’érosion n’a cessé qu’une fois tout relief disparu. C’est cet ancien paysage plat, cette ancienne pénéplaine, que l’on retrouve aujourd’hui dans la morphologie du plateau d’Emparis. Évidemment, le paysage a encore évolué durant les 250 millions d’années qui séparent cette pénéplaine des paysages actuels, mais cette période de temps correspond à l’histoire des Alpes dont nous parlerons toute la semaine.
J’ai initialement publié ce texte pendant le confinement sur la page Facebook du Centre de Géologie de l’Oisans.
Jonathan Mercier, Géologue et Accompagnateur en moyenne montagne (AMM).
PS: il est un petit peu intimidant de se lancer sur un sujet qui renvoie 320 000 résultats dans « google scholar » (https://scholar.google.fr/scholar…), l’histoire géologique des Alpes est éminemment complexe et est encore aujourd’hui un sujet de recherche actif. Je suis bien conscient des nombreuses simplifications que je fais dans la rédaction de ces petits articles. Si la géologie des Alpes vous intéresse, n’hésitez pas à l’approfondir dans la littérature ou avec nous sur le terrain et au cours des formations que nous proposons (https://asso-cgo.fr/) !