La dalle aux ammonites de Digne.

Ce texte a initialement été publié sur la page Facebook du Centre de Géologie de l’Oisans.

La photo du jour : pendant le confinement, les géologues du CGO vous proposent une photo commentée par jour pour continuer à voyager sur le thème de la Géologie. Bonne (re)découverte !

Dimanche 22 Mars : la dalle aux ammonites de Digne.

Aujourd’hui, nous revenons plus près de la maison pour nous intéresser à ce qui est peut-être le site géologique le plus célèbre de France : la dalle aux ammonites de Digne.

Ce site exceptionnel est classé réserve naturelle nationale géologique des Alpes de Haute Provence. Il est situé dans la vallée de la Bléone, juste en amont de la petite ville de Digne-les-Bains, chef-lieu du département.

La dalle aux ammonites de Digne-les-Bains. Photos de Michel H. Publiée avec son aimable autorisation.

Situé en bord de route, ce site est facilement accessible et c’est l’occasion idéale d’y réaliser une petite visite dominicale… virtuelle. Je vous invite donc à cliquer sur le lien suivant qui vous permettra de (re)découvrir cette fameuse dalle aux ammonites via « google street view », les ammonites sont clairement visibles : https://goo.gl/maps/iqZvJHqoyzW8RpFSA

D’une surface de 320m2 cette dalle présente une concentration exceptionnelle de fossiles : 1550 fossiles sont visibles ici, depuis le plus petit (quelques centimètres), jusqu’au plus grand (70 cm).

Ammonite présente sur la dalle. Photo de Michel H. Publiée avec son aimable autorisation.

Si la plupart de ces fossiles sont des ammonites appartenant à l’espèce « Coroniceras multicostatum », d’autres espèces sont identifiables avec notamment des nautiles, des bélemnites, des bivalves ou des brachiopodes.

Mais qu’est-ce qu’un fossile ? Et que nous apprennent-ils ?

Tout d’abord, un fossile est le reste d’un organisme (animal ou végétal) qui a été préservé à la mort de l’organisme. Si dans la plupart des cas, l’organisme se décompose rapidement après la mort de celui-ci, il peut arriver, dans de très rares cas, que certains éléments, principalement les parties dures (le squelette, interne ou externe) soient préservées par minéralisation. Les fossiles sont donc des témoignages exceptionnels, et rares, de cette vie du passé, qui ont traversé les temps géologiques pour arriver jusqu’à nous.

Bivalve de la dalle. Photo de Michel H. publiée avec son aimable autorisation.

Le travail des paléontologues est d’étudier ces témoignages de vie ancienne afin de reconstituer les différentes espèces qui vivaient alors. La dalle aux ammonites de Digne, et l’exceptionnelle abondance de fossiles qu’elle présente est donc un lieu important pour l’étude de ces espèces et de leurs variabilités morphologiques.

Les fossiles sont également extrêmement importants pour les géologues, car ils permettent de dater les roches. En effet, et vous le savez, la vie évolue au cours des temps géologiques. Certaines espèces sont donc caractéristiques de certaines périodes de temps géologiques. Ainsi, les trilobites, de mignons petits arthropodes à trois lobes (https://fr.wikipedia.org/wiki/Trilobita), sont caractéristiques de l’ère primaire (entre 540 et 250 millions d’années), les ammonites, présentes sur la dalle de Digne, sont caractéristiques de l’ère secondaire (entre 250 et 66 millions d’années, c’est l’âge d’or des dinosaures !). L’ère secondaire est suivie par l’ère tertiaire, durant laquelle la vie ressemble de plus en plus à celle que nous connaissons.

Détail de la dalle. Photo de Patrick L. publiée avec son aimable autorisation

La présence d’ammonites sur la dalle de Digne nous permet donc de dater le dépôt de la roche à l’ère secondaire. Mais le travail acharné des paléontologues a permis d’être beaucoup plus précis que cela. En effet, une étude attentive de ces fossiles permet de se rendre compte que les espèces ne sont pas les mêmes au début et à la fin de l’ère secondaire. En étudiant les ammonites de manière systématique (plus de 2500 genres ont été décrits, https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_genres_d%27ammonites) on peut se rendre compte que les ammonites ont évolué très rapidement : certaines espèces d’ammonites ne sont présentes que dans quelques strates, ce qui correspond à une courte période de temps (2-3 millions d’années). L’ère secondaire a donc pu être redécoupée en périodes plus petites (Trias, Jurassique et Crétacé), elle-même découpée en étages (http://www.stratigraphy.org/…/ChronostratChart2019-05French…). Une étude précise des ammonites de la dalle de Digne a permis de dater la formation de la roche au Sinémurien (Jurassique inférieur, de -200 à -190 millions d’années).

Vue d’ensemble de la dalle. Photo de Regis D. publiée avec son aimable autorisation.

Enfin, les fossiles permettent de reconstituer les paysages anciens. En effet, certaines espèces sont caractéristiques de certains environnements (aujourd’hui, la carpe et le thon rouge ne vivent pas aux mêmes endroits). De la même manière, certaines espèces anciennes sont caractéristiques de certains environnements. Ainsi, les ammonites vivaient dans une mer modérément profonde (quelques centaines de mètres). L’excellente conservation des différents fossiles présents sur la dalle (la plupart sont complets) nous indique que ces coquilles se sont déposées dans un environnement calme, donc loin des côtes et à une profondeur suffisamment importante pour être à l’abri de l’influence des vagues.

En résumé, il y a 200 millions d’années, la région de Digne était occupée par une mer relativement profonde. Cette mer était peuplée d’ammonites dont un petit nombre se sont déposées, à leurs morts, sur les fonds marins pour être fossilisées. Des millions d’années plus tard, les roches qui s’étaient formées au fond de cette mer sont ramenées à la surface et basculées à 60° pour former la dalle telle que nous la connaissons actuellement. Mais ça, c’est la grande histoire des Alpes dont nous commencerons à parler demain !

PS : Les cordonniers étant souvent les plus mal chaussés, je me suis rendu compte au moment de commencer la rédaction de cet article que, malgré de nombreuses visites, je n’avais quasiment pas de photos de la dalle aux ammonites. Les photos illustrant cet article ont été prises par Michel, Régis et Patrick à l’occasion d’un stage dans la région organisé par le CGO et sont publiées avec leurs aimables autorisations. Merci à eux !

À proximité :
-La réserve naturelle nationale géologique des Alpes de hautes provence : http://www.reserves-naturelles.org/geologique-de-haute-prov…
-L’UNESCO géoparc de haute provence : https://www.geoparchauteprovence.com/unesco-geoparc-de-hau…/
– Le musée promenade : https://www.geoparchauteprovence.com/le-musee-promenade/
– L’office du tourisme de Digne-les-Bains : https://www.dignelesbains-tourisme.com/

Pour en savoir plus :
– Jean-Louis Dommergues, Myette Guiomar. La ” Dalle à ammonites de Digne ” (Réserve NaturelleGéologique de Haute-Provence, France). Étude d’un site fossilifère d’importance patrimoniale.. Revuede Paléobiologie, Museum d’Histoire Naturelle de la Ville de Geneve, 2011, 30 (1), pp.261-293. hal-00741464
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00741464/document