Lundi 13 avril. Géologie des Préalpes : les roches.
Aujourd’hui, je vais vous parler d’une zone importante des Alpes dont je ne vous ai pas encore parlé. Si vous n’avez pas la chance d’habiter dans les Alpes, cette zone constitue le premier contact que vous avez avec cette chaine de montagnes quand vous venez nous rendre visite : les Préalpes. Partons à la découverte de leurs géologie.
Cet ensemble de massifs sédimentaires forme la partie occidentale des Alpes. Ils sont représentés en vert fluo sur cette image : http://www.geol-alp.com/…/alpes_f…/carte_struct_alpes_a4.gif. Les Préalpes présentent un relief marqué avec de hauts plateaux délimités par d’importantes falaises entaillées par de profondes gorges. Ces particularités géographiques en ont fait de hauts lieux de la résistance avec les célèbres maquis du Vercors et des Glières parmi d’autres. Bien entendu, pour comprendre la géographie de ces massifs, il va falloir s’intéresser à leur géologie !
Ces massifs sont constitués de calcaires et de marnes. Ces roches sont organisées en strates superposées les unes au-dessus des autres. Dans ces roches, il est possible de retrouver un certain nombre de fossiles d’animaux aujourd’hui disparus : Ammonites, Rudistes, Toxaster (sorte d’oursin), mais également des coraux… Cette faune fossile montre que les roches qui constituent les Préalpes se sont formées dans une mer, aujourd’hui disparue.
Les animaux marins utilisent le calcium dissout dans l’eau pour former leur coquille. À la mort des animaux, les coquilles s’accumulent sur le fond marin et forment une boue. Grâce à la pression exercée par les sédiments qui se déposent au-dessus, cette boue se transforme lentement en roche. Si la boue est uniquement constituée de coquilles d’animaux, la roche est un calcaire, si des argiles se sont déposées en même temps que les coquilles d’animaux, la roche est une marne.
Au cours de la sédimentation, les nouveaux sédiments se déposent toujours au-dessus des précédents. Les différentes strates présentes dans les falaises des Préalpes peuvent donc être vues comme les pages d’un livre qui nous racontent l’histoire de la sédimentation dans cette mer : la strate la plus profonde raconte l’histoire la plus ancienne, la plus haute raconte l’histoire la plus récente. Nous pouvons ainsi reconstituer l’histoire géologique de la région.
La région était recouverte par une mer dont la profondeur a varié entre -190 Ma et -70 Ma. Cette mer s’est formée lorsqu’un « supercontinent », la Pangée, s’est disloqué en réponse à la tectonique des plaques. En se disloquant, la Pangée a ouvert un océan, l’océan Alpin (ou Tethys) dont nous avons parlé au Chenaillet, qui sépare deux nouveaux continents : l’Europe et l’Apulie. Les roches qui constituent aujourd’hui les Préalpes se sont déposées sur la marge européenne de cet océan.
Certains niveaux de roches qui se sont déposées dans cette mer ont des caractéristiques qui permettent de les reconnaître facilement dans le paysage. C’est notamment le cas du calcaire Urgonien, qui s’est déposé entre 130 et 112 millions d’années dans une mer chaude et peu profonde, occupée par une barrière de corail, comme en témoigne l’abondance de fossiles de rudistes (bivalve) et de coraux. Ce calcaire, très compact et massif, forme l’ossature principale des Préalpes. C’est lui qui constitue la plupart des falaises qui bordent les massifs et délimitent les hauts plateaux. Les marnes que l’on retrouve sous le calcaire Urgonien sont moins résistantes à l’érosion, se sont donc elles qui forment les pentes plus douces, généralement recouvertes de forêt que l’on retrouve en dessous des falaises. La présence d’argiles dans ces marnes montre que la sédimentation a eu lieu plus loin des côtes dans une mer plus profonde. La transition des marnes aux calcaires Urgonien montre donc une diminution de la profondeur de la mer au cours du dépôt !
Et voilà comment un paysage ancien (une ancienne barrière de corail) explique les paysages actuels. Mais l’inverse est également vrai : grâce au travail des géologues, l’étude de ces calcaires permet aujourd’hui de reconstituer les anciennes barrières de corail qui bordaient l’océan alpin !
J’ai initialement publié ce texte pendant le confinement sur la page Facebook du Centre de Géologie de l’Oisans.
Jonathan Mercier, Docteur en Sciences de la Terre et Accompagnateur en moyenne montagne.