Vendredi 20 mars : l’ophiolite d’Oman, on a marché au fond de l’Océan !
Après deux arrêts géologiques en France, je vous propose d’aller découvrir un objet géologique qui se trouve beaucoup plus loin de chez nous ! En avant vers le Sultanat d’Oman et sa fameuse ophiolite.
Le Sultanat d’Oman est un petit pays situé à l’extrémité sud-est de la péninsule arabique. Bordé par le golf d’Oman et la mer d’Arabie, ce pays aride est un véritable paradis pour les géologues. En effet, l’absence de végétation offre une qualité d’affleurements exceptionnelle permettant d’observer des objets géologiques uniques au monde ! Nous aurons l’occasion de reparler d’Oman prochainement !
L’endroit qui nous intéresse aujourd’hui se trouve au Nord Est du pays, à proximité de la frontière avec les Émirats arabes unis, dans le Wadi Al Jizi (https://goo.gl/maps/Pmp5hdqFtiLmLbvp9).
Cette drôle de falaise constituée de boules et de boudins est internationalement connue (parmi les géologues) pour avoir fait la couverture du magazine « Geotimes » en août 1975 (https://www.earthmagazine.org/…/2015-…/GeotimesUnit_1975.png). Mais pourquoi un tel intérêt pour cette falaise ? Et bien tout simplement parce que les roches qui la constituent nous viennent directement du fond de l’Océan ! Marcher sur ces roches revient à marcher au fond de l’Océan pacifique, à 5000 mètres de profondeur ! Mais comment est-ce possible ? Et pourquoi les roches du fond de l’océan sont-elles si différentes de celles des continents ? Qu’est-ce qui leur donne cette drôle de forme de coussin ?
Commençons par le commencement : qu’est-ce qu’un Océan ?
Un Océan, c’est ce qu’il y a entre les continents, jusque là, c’est
très simple. Nous avons vu hier que les continents font une trentaine de
kilomètres d’épaisseur et se déplacent. Lorsque deux continents se
séparent, le manteau, qui se trouve normalement sous les continents, se
retrouve alors proche de la surface. La pression subie par le manteau
diminue alors drastiquement lors de sa remontée, mais, si cette remontée
est assez rapide, la température du manteau diminue peu. On se retrouve
donc avec un manteau qui présente une température proche de sa
température habituelle, mais avec une pression beaucoup plus faible que
d’habitude, et ça, le manteau, il ne va pas aimer ! Ça va tellement le
déstabiliser, que le manteau habituellement solide (ductile pour être
exact), va commencer à fondre pour former un magma. C’est ce que les
géologues appellent la fusion par décompression adiabatique.
Là où les continents se sont séparés, on retrouve donc, à la surface, un magma provenant de la fusion partielle du manteau. Mais là où les continents se sont séparés, se forme également une dépression topographique, qui, comme tous les trous à la surface de la Terre, a tendance à se remplir d’eau. Le magma, liquide et très chaud (aux environs de 1200°C), va donc refroidir extrêmement rapidement au contact de l’eau et ainsi former un verre volcanique plutôt que des gros minéraux (plus d’information sur la relation entre la vitesse de refroidissement et la taille des minéraux ici : http://svt.ac-besancon.fr/cristallisation-de-la-vanilline/). Le verre volcanique ainsi formé est ensuite « gonflé » par le magma qui continue à arriver (à la manière d’un souffleur de verre) et forme une série de boules et de tubes que l’on retrouve sur notre falaise omanaise. C’est ce que l’on appelle des « Pillow-lavas » ou « laves en coussins ». Ce processus est encore actif dans certaines régions du globe actuellement, principalement sur les dorsales océaniques (vidéo de formation des pillow-lavas https://www.youtube.com/watch?v=DdIUuUY0L9c). La morphologie bien particulière de cette falaise témoigne donc du refroidissement rapide d’un magma sous une grande profondeur d’eau, et c’est l’accumulation de ce magma qui permet aux océans de grandir au fur et à mesure que les continents s’écartent. Le « mur Geotimes » est donc exceptionnel, car il permet de marcher à pied sec sur des roches que l’on retrouve habituellement à plusieurs milliers de mètres de profondeur, au fond d’un Océan !
Comment ces roches se sont-elles retrouvées à la surface, au-dessus d’un continent ? C’est ce que nous verrons demain ! Bonne journée à tous !
Jonathan Mercier, Docteur en Sciences de la Terre et Accompagnateur en moyenne montagne.
En bonus : un petit panorama de la région de l’ophiolite d’Oman.
J’ai initialement publié ce texte pendant le confinement sur la page Facebook du Centre de Géologie de l’Oisans.